Les marathons de danse, danser pour survivre

La grande dépression et les marathons de danse

Dans les années 1930, les États-Unis sont plongés dans une crise économique sans précédent entraînant une période de grande pauvreté: la Grande Dépression.

C’est dans ce contexte que se développent les  » marathons de la danse »», des compétitions sportives extrêmes présentées au public sous la forme de spectacles.

Années 1930 : les marathons de danse arrivent en France.

 Inspirant à la fois l’excitation, la curiosité malsaine, le voyeurisme et le dégoût du public, ces  compétitions extrêmes encouragent leurs participants à repousser leurs limites, quitte à entraîner de dramatiques accidents.

Les marathons de danse sont des concours s’étendant sur plusieurs semaines – voire plusieurs mois – et durant lesquels les couples de danseurs doivent danser sans relâche, jour et nuit. Seul un quart d’heure de répit par heure est accordé aux participants, ce qui les prive de véritables nuits de sommeil pendant toute la durée de la compétition.

Pendant ces quinze minutes de pause, ils doivent trouver le temps de manger, de dormir et de satisfaire leurs besoins naturels avant de retourner en piste.

Au fur et à mesure des semaines, ce rythme devient insoutenable ; les couples s’épuisent et quittent alors un à un la compétition. Le couple vainqueur est celui qui sera le dernier à rester debout.

Ces danseurs sont rarement des professionnels, dans la plupart des cas il s’agit de femmes et d’hommes qui, en ces temps difficiles, ont sombré dans la misère et qui n’hésitent pas à mettre à rude épreuve leur santé dans l’espoir d’empocher la prime promise aux gagnants.

En France, des entrepreneurs locaux proposent au public de payer pour assister à leurs marathons de la danse. À Paris, Marseille, Toulouse, Lyon, Bordeaux et de nombreuses autres villes, les casinos, théâtres et salles de spectacles sont investis pendant plusieurs centaines d’heures par des danseurs à bout de force, luttant contre la fatigue et l’épuisement moral, sous le regard curieux d’un public nombreux et fidèle venant s’enquérir des danseurs toujours dans la course.

Pendant ce temps-là, les organisateurs font recette car ces représentations ont un grand succès. Aussi ne reculent-ils devant rien pour attirer toujours plus de spectateurs, promettant un show qui poussera les danseurs jusqu’à leurs dernières limites.

Ainsi en 1936, à Marseille, la salle de spectacle de l’Alcazar encourage les participants à battre le record américain de 1 503 heures, soit deux mois de danse effrénée. À la clé, 25 000 francs de prime à gagner.

Pour maintenir l’intérêt du public après plusieurs semaines de compétition et pour qu’il y ait du spectacle, l’année suivante les organisateurs du marathon de l’Alcazar imposent ponctuellement aux danseurs des sprints de valse.

Au bout de plusieurs semaines, quand les danseurs sont trop épuisés et que les spectateurs se lassent, les organisateurs décident d’en finir et lancent les éliminations. Les quarts d’heure de pause sont réduits ou supprimés, et les buffets de ravitaillement des danseurs retirés. Le spectateur n’a plus qu’à attendre que les derniers couples s’effondrent pour qu’enfin les vainqueurs soient annoncés.

Certains vainqueurs de ces marathons sont célébrés en Une des journaux comme de redoutables sportifs, des champions de la performance.

Ainsi, le quotidien Paris-Soir, en 1931, présente aux côtés de photographies de boxeurs, de cyclistes ou de joueurs de tennis, celle d’un couple de danseurs. Et salue leur incroyable résistance physique.

« 400 heures de danse… Se représente-t-on la somme d’endurance et de courage qu’il faut pour cela  ! »

Mais pour une grande partie de la population, ces compétitions inspirent l’horreur et la pitié.

Le journal La Femme de France n’aura de cesse de dénoncer ces spectacles accablants et de souhaiter la fin de  ces concours de durée, de ces marathons de la danse, qui ont écœuré le public le plus indifférent par leur inhumanité, leur cruauté.  Ces couples exténués qui luttent péniblement, le “soutien” de ce cavalier brutalisant sa partenaire, la fatigue extrême des concurrents à demi défaillants, tout cela est, à proprement parler, révoltant.

De même, de nombreux journaux, à l’instar de L’Ère nouvelle, s’indignent contre ces « concours stupides » qui ne consistent qu’en « un piétinement de pauvres bêtes humaines ».

Il faudra toutefois attendre presque deux décennies et les années 1950 pour que ces spectacles disparaissent définitivement, aux États-Unis comme sur le continent européen.


Les marathons de danse, danser pour survivre